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La notion d’intolérance au gluten ou aux grains en contenant déclenche les passions. En 2012, dans l’article Pourquoi s’en prendre au régime hypotoxique? (https://www.jydionne.com/pourquoi-sen-prendre-au-regime-hypotoxique/), je m’en suis pris à la vision orthodoxe de plusieurs têtes d’affiche qui affirment que d’éliminer le gluten de son alimentation peut être dangereux. Selon ces personnes, si on élimine les grains contenant du gluten (blé, seigle, orge, triticale, kamut, épeautre et potentiellement l’avoine, selon la source), on risque des carences importantes. J’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucun nutriment exclusif à ces aliments. Quand j’ai demandé de quelles carences alimentaires il s’agissait, on m’a rétorqué: «carence en glucides»!!!

Carence en glucides…

Dans une société qui nage dans l’excès de sucres et de féculents raffinés, je vois mal comment le fait de changer les grains habituels par du riz, du sarrasin et d’autres grains moins connus (quinoa, millet, teff, etc.), pourrait mener à une carence en glucides…

Rien que 1%?

Le second argument contre les régimes sans gluten est basé sur le fait que la véritable maladie céliaque est rare et n’affecte que 1% de la population. Les autres 99% devraient donc normalement manger du gluten. Cette affirmation nie complètement la notion d’intolérance alimentaire et ne tient aucunement compte de la variation d’intensité des réactions individuelles. C’est un peu comme si on disait que les seules personnes allergiques sont celles qui peuvent mourir (choc anaphylactique) lorsqu’elles sont exposées à l’allergène. Cette vision est bien trop restrictive pour englober la réalité de l’effet des grains sur une partie (beaucoup plus importante que 1%) de la population.

En 2013, dans l’article Le phénomène du gluten ou la graine allergène (https://www.jydionne.com/le-phenomene-du-gluten-ou-la-graine-allergene/), je suis revenu sur ce sujet en citant l’auteur William Davis, médecin, qui constate dans sa pratique que les personnes présentant une «bedaine» ont presque toutes des anticorps au gluten dans leur sang. Dans ce même article, je vous faisais aussi part d’une recherche montrant que le blé contient, en plus du gluten, des antinutriments, c’est-à-dire des inhibiteurs d’enzymes digestifs qui empêchent la digestion et l’absorption de certains nutriments. Ces antinutriments ont également des effets pro-inflammatoires: une autre raison de se méfier de certains grains.

Une étude sur l’intolérance au gluten

Tout récemment, des chercheurs ont voulu connaitre l’ampleur de l’intolérance au gluten. Ils ont enrôlé 61 personnes qui n’avaient ni maladie céliaque, ni allergie au gluten, mais se plaignaient tout de même de réagir aux sources de gluten. Ils leur ont donné des capsules contenant soit 4,375 g de gluten par jour, soit un placébo fait d’amidon de riz, durant une semaine. La semaine suivante, les 2 groupes ont seulement suivi la diète sans gluten (sans capsule). La 3e semaine, les groupes ont été inversés: ceux qui prenaient le placébo ont pris les capsules de gluten, et vice-versa. Le tout, bien entendu, à double insu (personne ne savait qui prenait quelles capsules).

Les résultats sont étonnants. Les symptômes généraux ont été significativement aggravés par le gluten (p=0,034) (1).

Symptômes abdominaux:

  • ballonnements (p=0,040)
  • douleur (p=0,047)

Symptômes extra-abdominaux:

  • confusion mentale (foggy mind) (p=0,019)
  • dépression (p=0,020)
  • aphtes (p=0,025)

Ainsi, même chez des gens qui ne sont «ni allergiques, ni céliaques», le gluten peut provoquer toute une série de symptômes. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des chercheurs publient de tels résultats (2).

L’intolérance au gluten n’est-elle qu’une mode? Il semble plutôt que ce soit un phénomène réel sous-évalué.

Des régimes bons pour tous…

Il faut se méfier des régimes «bons pour tous» et des aliments «qu’il faut manger sans quoi nous sommes à risque de carences». Par exemple, si vous suivez le Guide alimentaire canadien à la lettre et que vous avez l’impression que certains aliments (gluten ou autres) ne vous conviennent pas, fiez-vous à votre instinct et utilisez des outils à votre portée (comme le journal alimentaire et la diète rotation) pour identifier ces aliments. L’alimentation est la base, le premier pilier de la santé. Si ce que vous mangez vous rend malade, il est temps de prendre votre santé et votre alimentation en main.

Santé!

Références :

  1. Di Sabatino A, Volta U, Salvatore C, Biancheri P, Caio G, De Giorgio R, Di Stefano M, Corazza GR. Small Amounts of Gluten in Subjects with Suspected Nonceliac Gluten Sensitivity: a Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled, Cross-Over Trial. Clin Gastroenterol Hepatol. 2015 Feb 19. pii: S1542-3565(15)00153-6. doi: 10.1016/j.cgh.2015.01.029. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 25701700. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25701700
  2. Biesiekierski JR, Newnham ED, Irving PM, Barrett JS, Haines M, Doecke JD,Shepherd SJ, Muir JG, Gibson PR. Gluten causes gastrointestinal symptoms in subjects without celiac disease: a double-blind randomized placebo-controlled trial. Am J Gastroenterol. 2011 Mar;106(3):508-14; quiz 515. doi: 10.1038/ajg.2010.487. PubMed PMID: 21224837. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21224837

 

27 commentaires

  1. Il est parfois difficile de diagnostiquer ce type d’allergie mais il faut tenir compte des circonstances d’apparition des symptômes et c’est souvent le patient qui s’en aperçoit car le médecin ne demande pas souvent les antécédents alimentaires.

    1. Bonjour Allergie
      Vous confirmez mon point de vue : Le patient est le mieux placé pour trouver. Le journal alimentaire est le meilleur outil.
      Santé!

  2. Selon un article que j’ai lu dernièrement. Les gens qui se disent intolérant au gluten seraient en réalité affectés par une réaction aux résidus du Round-up. Comme c’est le pesticide le plus utilisé, je crois que ce pourrait être une piste intéressante à explorer.

    1. Bonjour Danie
      C’est toujours possible mais quand on réagit uniquement au blé, même bio, alors le lien avec un herbicide est douteux.
      Cet herbicide dangereux est utilisé dans une grande majorité de culture extensive comme le maïs.
      Santé!

  3. Bonjour,
    Merci pour le partage de vos lectures, c’est vraiment très intéressant. J’ai trois questions pour vous. 1) Tout d’abord, que pensez-vous d’une possible carence en vitamine du complexe B? 2) Que pensez-vous du cas de l’avoine? 3) Et finalement, que pensez-vous de l’effet goitrogène du millet, sorgho, des légumes verts (kale, épinards, brocoli, bette à carde, …), tofu, patate douce, etc. lorsque ces aliments sont consommés sur une base régulière voir quotidienne?
    Merci à l’avance pour le partage de votre expertise!

    1. Bonjour Maude
      c’est un peu vaste comme question, ne trouvez-vous pas ?
      Les carences sont possibles mais ça dépend de tellement de facteurs
      Les crucifères crus, certains grains crus et le soya en quantité ont cette possibilité. Tout dépend de la dose, de la fréquence et surtout de la sensibilité des gens. Habituellement, une personne ayant un apport suffisant en iode n’aura pas de problème.
      santé!

  4. Bonjour,

    étant nutritionniste, je suis d’accord avec vous que le guide alimentaire canadien ne s’applique pas pour tous. Je suis aussi d’accord avec le fait que la majorité des gens consomment plus de glucides que nécessaire, et du même coup moins de légumes et de fruits que recommandé.

    Je suis aussi en accord avec le fait que les gens atteints de troubles de digestion sont, eux-mêmes, les mieux placés pour mettre le doigt sur le bobo. Cependant, multiples nutriments peuvent être la cause de problèmes digestifs (http://cdhf.ca/bank/document_en/32-fodmaps.pdf).

    Le régime d’exclusion FODMAP est un outil très utile afin de bien encerclé le ou les nutriments en cause. Bien sure, un suivi par un professionnel de la santé est fortement suggéré lors de la mise en pratique de cette diète d’exclusion, afin d’adapter l’approche selon les habitudes de vie, la tolérance et la motivation de chacun.

    Bref, je crois que ce pauvre gluten est trop blâmé pour les troubles GI. Les fructants, les polyols, le fructose, le lactose, les poly-oligo-saccharides peuvent aussi causé des inconforts digestifs. Mieux vaut faire appel à des professionnels de la santé pour mettre le doigt sur le bon bobo, est ce simplement pour ne pas exclure des aliments appéciés pour rien.

    Voila !

    1. Merci Marie-Claude
      Tout à fait d’accord, c’est pourquoi, sans nommer FODMAP, j’y fais allusion en mentionnant que le gluten n’est peut-être pas la seule cause d’une intolérance. J’aime bien votre approche. Il est aussi vrai qu’un suivi professionnel est très utile pour y voir clair. Nous avons un problème, celui de l’accessibilité et aussi du fait que le monde médicale, lui, semble gratuit…
      Bonne continuité

  5. Jean-Yves! Tu t’attaques au sacro-saint Guide alimentaire canadien! Au secours!

    Je blague. Bravo d’avoir ce courage. Je suis d’accord à 100 % avec ce que tu dis. Plus de professionels de la santé devraient le dire aussi.

    1. Bonjour
      Merci pour votre article , il me conforte dans ma résolution de ne plus manger de gluten ,autour de moi plein de gens se moquent ou son septiques de me voir proscrire le gluten , mais j.ai trouvé mon équilibre alimentaire et surtout fini le ventre gonflé avec douleurs
      Cordialement et a très vite pour vôtres prochain article.

      1. Bonjour Lucie
        Votre amélioration de santé est le seul critère par lequel juger un changement alimentaire, gluten ou autre.
        Votre corps le sait. Et Franchement, ce que les autres en pensent, on s’en…
        Santé! 🙂

    2. Bonjour Étienne
      Je sers de paratonnerre 🙂
      Ce n’est pas parce que c’est officiel que c’est parfait. Comme le disait François Pérusse,  » La Tempo, si c’est sur le marché, c’est parce que c’est bon. » 😉
      Santé!

  6. L’intolérance au gluten non coeliaque (désignée par les lettres NCGS : non-celiac gluten sensitivity) est maintenant identifiée comme un syndrôme médical distinct. Par contre ce diagnostic étant nouveau, il s’écoulera probablement quelques années avant que les médecins n’ayant pas un intérêt particulier pour ce domaine ne soient en mesure de l’identifier ou même de l’accepter chez un patient qui l’a identifié par lui-même. Sachez que tout médecin minimalement ouvert acceptera que vous avez résolu un malaise x par un changement alimentaire y, si votre régime demeure équilibré.

    1. Bonjour Suzanne
      Pourquoi faut-il absolument passer par un MD pour avoir une amélioration ? Est-ce qu’une nutritionniste n’est pas suffisante ? 🙂
      Santé!

  7. Merci pour ce bel article Jean-Yves. C’est vrai qu’on voit de plus en plus d’article dénonçant la diète sans gluten prétextant qu’il ne s’agit d’une mode. Ou ils n’ont pas compris….ou ils ont peur de voir s’effondrer une partie de leurs revenus ??? Un test d’intolérance alimentaire à démontré que j’étais intolérante au blé mais pas aux autres grains avec gluten. Par choix, j’évite quand même les produits contenant du gluten et je m’en trouve beaucoup mieux. L’idée est d’éliminer le plus possible de notre diète les aliments qui causent à long terme des dommages inflammatoires à notre organisme. Ceci ne peut surement pas être mesuré par un test d’intolérance aux aliments. C’est une histoire de gros bon sens et en effet, chacun doit écouter son corps et rien de tel que de suivre son intuition…

  8. Très bon article Jean-Yves ,comme toujours. Ce qu’il faut c’est être à l’écoute de son corps. C’est vrai que le gluten peut déranger, il y a beaucoup d’autres alternatives comme le sarrasin, en galettes le matin c’est délicieux. Bonne journée.

  9. Un grand merci pour cet article clair et précis.
    J’ai une petite question à laquelle je pensais que l article allait répondre : j’ai retiré le gluten de mon alimentation car j avais beaucoup de psoriasis. Depuis, il a disparu. Pourtant, je viens de faire des tests allergiques pour la farine notamment qui révèlent sur ma peau une allergie (réaction forte) mais c’est négatif à la prise de sang. comment est-ce possible ? Qu est-ce que ça signifie ?
    Un grand merci pour votre réponse
    Cordialement

    1. Bonjour Lou
      en gros, rien. Un test négatif ne veut rien dire. Il n’est pas assez spécifique ou encore, mal fait, ou encore la procédure n’est pas adéquate, ou encore, vous ne réagissez pas à la fraction d’aliment utilisée mais plutôt à une autre fraction.
      Une test négatif ne veut rien dire.
      L’amélioration, par contre, dit tout !
      Santé!

    1. Bonjour André
      En gros, rien du tout. Il ne sert à rien de se battre contre des lieux communs et ceux qui défendent l’opinion établie. Je préfère parler à ceux qui veulent entendre.
      Santé!

  10. Bonsoir,
    Vous faites référence au Dr. William Davis. Je suis abonnée à sa lettre santé mensuelle Alternatives depuis plus de 10 ans. Je n’y ai jamais vu ce texte parlant du gluten et de la bedaine. Si cette information vous vient d’un des numéros d’Alternatives j’apprécierais grandement de savoir lequel (année et mois).
    Merci beaucoup
    Rachel Brodeur

  11. Merci! Enfin quelqu’un qui explique bien ce qui m’est arrivé il y a quelques années et qui n’est pas le résultat d’une mode ou d’une lubie… Après avoir pris conscience que certains aliments me rendaient malade j’ai fait des changements dans mon alimentation et maintenant je me sens beaucoup mieux! Je ne retournerais pas en arrière même si certain disent que je suis une mode…

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