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Que disent les études? Eh bien, elles disent parfois des choses très intéressantes et très pertinentes, mais, d’autres fois, on se demande pourquoi quelqu’un s’est donné la peine d’y investir temps et argent.

Je m’explique. Pour qu’une étude donne des résultats valables, il faut que le protocole d’étude soit bien conçu et que la méthodologie soit appropriée à ce que l’on veut étudier. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas… Et comme les journalistes ont rarement la formation et le temps nécessaire pour analyser les études et en vérifier la validité, on se retrouve avec des manchettes controversées dans les grands médias. Comme par hasard, ces manchettes touchent très souvent l’alimentation et les produits de santé naturels. On se rappelle de: les vitamines ne préviennent pas le cancer; cancer de la prostate: attention aux suppléments de vitamine et de sélénium; les omégas 3 causent le cancer de la prostate; les fibres ne protègent pas contre le cancer du côlon, etc.

Dans ces articles, on retrouve souvent des expressions comme «hors de tout doute» ou «non seulement ces suppléments sont inefficaces, mais plusieurs études ont démontré qu’ils sont dangereux», etc.

Mais les résultats cités sont-ils réellement valables hors de tout doute? Pourquoi, à chaque fois qu’une «très grande étude va démontrer une fois pour toute l’efficacité ou l’inefficacité d’un produit», les résultats sont-ils presque toujours négatifs? Pour répondre à ces questions, il faut connaitre et comprendre les différents biais des études.

Le biais du commanditaire

Certains biais sont réellement grossiers, comme celui-ci. Le commanditaire de certaines grandes études va jusqu’à créer une structure, un protocole d’étude qui garantit les résultats désirés. Par exemple: une étude sur une multivitamine effectuée dans une population bien nourrie, sans que l’on prenne la peine de vérifier le taux sanguin des nutriments dans chacun des groupes. (Voir: Les études cliniques sont-elles les meilleurs outils pour évaluer les effets des nutriments?)

Le biais du produit étudié

D’autres biais sont plus subtils. Par exemple, plusieurs études sur des plantes médicinales utilisent des extraits «fabriqués au laboratoire». Il nous est donc impossible de vérifier la qualité de l’extrait ou même la présence des molécules actives dans l’extrait. (Voir: L’échinacée fait les manchettesou Produits pour le rhume… 7 jours ou une semaine?)

Les fausses études

Parfois, les études ne sont pas des études, mais bien des articles d’opinions (Voir: Mauvaise science ou mauvais journalisme?)

Le biais des questionnaires

Plusieurs études (pour ne pas dire la majorité) sur l’alimentation et les nutriments sont en réalité des études d’observation. On les nomme «études de cohorte rétrospectives». Par exemple, l’étude physician’s health study contient une immense cohorte de plus de 60 000 personnes (ici des médecins américains) qui sont suivis régulièrement depuis 1982. Imaginez le travail pour recueillir les informations de ces milliers de personnes! Évidemment, les chercheurs ne peuvent pas suivre personnellement chacun des participants. Ils ont donc opté pour des questionnaires, remplis volontairement. Ces questionnaires portent sur les habitudes de vie, l’alimentation, les rapports médicaux, etc.

Ces fameux questionnaires sont basés sur la mémoire et la bonne volonté des participants. Mais sont-ils fiables?

Une étude sur la fiabilité des questionnaires

Une étude publiée en ligne le 30 avril dernier dans le American Journal of Clinical Nutrition montre une faille énorme dans le système des questionnaires.(1) Les chercheurs ont voulu valider l’usage d’un questionnaire en ligne sur l’alimentation. Ils ont enrôlé 83 volontaires et leur ont fourni l’accès à un buffet pour la journée. À l’insu des patients, les portions et les restes ont été mesurés. Le lendemain, une partie des volontaires a passé une entrevue qui comportait un questionnaire validé sur l’alimentation de la journée précédente, l’autre partie a répondu à un questionnaire en ligne.

Les auteurs mentionnent que les participants au questionnaire en ligne ont rapporté 80% des aliments véritablement consommés contre 83% pour ceux qui ont passé l’entrevue. Ils concluent donc que les 2 méthodes sont aussi valables l’une que l’autre…

Je ne sais pas pour vous, mais moi j’aurais plutôt dit: «aussi peu valables l’une que l’autre»! 80% de précision, ça laisse 20% d’erreur! Et ce sont ces mêmes outils qu’on utilise pour nous dire que les multivitamines pourraient être dangereuses parce qu’elles augmentent le risque de 6% dans un groupe particulier!!!

Ce genre de biais structurel se nomme le biais de mémoire. Dans l’étude ci-haut, on parle de 20% d’erreur après 24 heures. Maintenant, imaginez que vous recevez un questionnaire tous les mois. Vous souvenez-vous de ce que vous avez mangé la semaine dernière? Quels suppléments avez-vous pris le mois dernier? Les avez-vous pris tous les jours?

De plus, il est connu qu’avec la meilleure volonté du monde, nous avons tendance à embellir l’image que nous projetons. Ainsi, lorsque le souvenir est flou, nous inscrivons ce que nous croyons être la réponse attendue, celle qui nous fait mieux paraitre.

Des politiques nutritionnelles fondées sur de fausses données

Il est déjà désolant que l’on nous bombarde de nouvelles reposant sur des études aussi peu fiables, mais ce n’est pas tout. Les politiques nutritionnelles étatiques sont basées sur ce genre de données recueillies à l’aide de questionnaires!

Un groupe de chercheurs conclut que ces politiques nutritionnelles sont donc fondamentalement biaisées, voire erronées. Ces chercheurs ont relevés les données recueillies dans une autre cohorte américaine (National Health and Nutrition Examination Survey – NHANES) qui a suivi 28 993 hommes et 34 369 femmes de 1971 jusqu’à 2010, donc durant 39 ans. Leurs découvertes sont renversantes. En effet, après ré-analyse des données, ils ont constaté que les réponses fournies par 67,3% des femmes et par 58,7% des hommes ne sont même pas plausibles au plan physiologique.(2)

Bref, les questionnaires ne sont ni fiables, ni suffisamment précis pour en tirer des conclusions. Ces deux études nous donnent une bonne raison de garder un scepticisme sain envers les manchettes et les dogmes «prouvés hors de tout doute».

Comment réagir?

Face aux nouvelles contradictoires, aux grands titres des journaux, que peut-on faire pour s’y retrouver?

  1. Toujours évaluer, à partir d’au moins 3 sources d’informations différentes, la pertinence des nouvelles et autres directives santé pour notre réalité personnelle.
  2. Développer son ressenti. Quand vous prenez un supplément, quand vous mangez quelque chose, quand vous faites une activité particulière, comment vous sentez-vous? Si une étude dit que la glucosamine n’est pas efficace, mais que vous savez pertinemment qu’elle vous soulage, devriez-vous arrêter d’en prendre?
  3. Visiter régulièrement Franchement santé! 😉

Santé!

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Références:

  1. Kirkpatrick SI, Subar AF, Douglass D, Zimmerman TP, Thompson FE, Kahle LL, George SM, Dodd KW, Potischman N. Performance of the Automated Self-Administered 24-hour Recall relative to a measure of true intakes and to an interviewer-administered 24-h recall. Am J Clin Nutr. July 2014 ajcn.083238 publié en ligne le 30 avril 2014 doi: 10.3945/ajcn.114.083238
  2. Archer E, Hand GA, Blair SN. Validity of U.S. nutritional surveillance: National Health and Nutrition Examination Survey caloric energy intake data, 1971-2010. PLoS One. 2013 Oct 9;8(10):e76632. doi: 10.1371/journal.pone.0076632. eCollection 2013. PubMed PMID: 24130784; PubMed Central PMCID: PMC3793920.

10 commentaires

  1. Bonjour,

    J’aimerais que vous me disiez si le OmégaJoy est vraiment le meilleur que l’on puisse prendre pour l’humeur? Oui, il est vrai qu’il est plus dispendieux que la plupart des produits mais s’il en vaut la peine…

    J’ai une autre petite question pour vous, à mon sens, j’ai toujours compris que l’huile d’olive est une très bonne huile et elle se solidifie au froid tandis que vous parlez d’huile de poisson, vous dites qu’un produit de qualité, liquide ou en capsule, reste liquide et limpide au froid, alors qu’un produit de mauvaise qualité devient grumeleux ou coagule au froid. Alors ??? Pouvez-vous m’expliquer.

    Merci!
    Je ne sais pas si vous pouvez me répondre dans mon adresse courriel cité ci-haut.

    1. Bonjour Gisèle
      L’oméga JOY est un très bon produit. L’important est le dosage (1000mg EPA et très peu de DHA par jour) pour obtenir le même effet. Vous pourrez trouver des produits équivalents.
      Concernant la distinction des huiles, les acides gras saturés ou mono-insaturés (comme l’huile d’olive) vont figer au froid. Par contre, les polyinsaturés (Comme les huiles de poisson) ne figent pas à la température du frigo. D’où mon commentaire, si votre huile de poisson coagule au frigo, ce n’est pas un bon produit parce qu’il ne contient pas ce qu’il est supposé contenir.
      Ça ne veut pas dire que l’huile d’olive n’est pas bonne, loin de là
      Santé!

  2. Cela me rappelle lorsque mon médecin se fiant aux antécédents de ma famille, m’a fortement suggéré de prendre de l’aspirine à faible dose afin de mettre toutes les chances de mon côté. J’ai donc commencé à en prendre et je me suis retrouvée avec plein de bleus partout sur le corps mais particulièrement au niveau des jambes parce que chaque petit coup si petit soit-il m’apportait un bleu bien visible sans compter un examen dont on devait m’injecter un produit pour passer un scanner. Le technicien était sidéré de constater combien je saignais et m’a demandé ce que je prenais pour saigner autant. Il m’avait suggéré d’en parler avec mon médecin mais mon médecin disait qu’il valait mieux avoir un peu de bleus et de saigner un peu plus que la normale mais de « vivre ». Je n’avais pourtant jamais éprouvé de problème au niveau du cholestérol ou autres.

    J’ai tout de même cessé de prendre de l’aspirine et tout a cessé, plus de bleu inutile ni saignement important.

    J’ai tenté plusieurs fois des vitamines ou autres produits naturels mais selon moi ne m’allaient pas alors je les cessais. Je dirais que je fais du essai/erreur au lieu de me fier à tout ce qui est dit ou écrit. Si je sens que ça me va, d’accord autrement je cesse tout et j’essaie autre chose. Disons que je ne me fie pas entièrement à ce qui est populaire pour soit-disant la santé.

    J’ai pris l’habitude de vous lire et bien que je sois beaucoup moins documentée que vous et que quelques fois j’ai peine à tout comprendre, je me retrouve puisque vous y aller constamment avec l’équilibre et le bon sens.

    J’utilise donc ma « jugeotte ».

    J’adore aussi lire les commentaires des autres personnes qui sont toujours pertinents.

    Merci et bonne fin de semaine.

    1. Bonjour Carole
      merci pour votre commentaire. En effet, la boussole du gros bon sens reste, encore et toujours, la meilleure. Le problème est qu’elle n’est payante pour personne, pas de profit à faire. Donc, on n’en parle pas. Pourtant, parlez à une personne âgée, en santé, ce n’est pas jamais la quantité de médicament qui l’a rendue à cet âge… plutôt l’inverse.
      Santé!

      1. C’est tellement vrai. À moins d’une maladie mortelle ou très grave, la majorité des personnes âgées que je connais ne prennent aucune médication et bougent ne serait-ce que pour faire une marche quotidienne. Elles se tiennent constamment occupées et sont pratiquement tout le temps positives.

        Je me tiens près d’elles…rires car j’apprends énormément de ces personnes. D’ailleurs on ne donne jamais assez d’importance à nos personnes âgées qui ont pourtant l’expérience de vie. Je connais des personnes très âgées qui ont une posture plus droite que la plupart des gens de mon âge qui ai 57 ans. Évidemment qu’elles aussi se lèvent le matin un peu plus raides mais elles ne tiennent pas compte « que » de cela. La plupart du temps, elles se sont couchées avec en tête déjà une bonne perspective de ce qu’elles feront le lendemain alors que bien des personnes plus jeunes ne trouvent que pour avoir l’impression de vivre de sortir à l’extérieur mais pour s’éclater et boire. Oui c’est bon de temps en temps de le faire mais de nos jours on fait plus souvent la fête que l’on prend soin de soi.

        Bon me revoici repartie à faire la morale. Ce n’était pourtant pas mon intention…hihi

        Bonne journée en santé! Allez ouste dehors…Il fait beau!

  3. je ne crois pas beaucoup aux études faites avec les humains, il y a trop de données et
    habitudes de vie différentes, sans parler de l’effet placebo.
    à mon avis, les seules études valables sont celles faites avec les animaux.

    1. Bonjour Réjean
      Sauf que nous ne sommes pas des souris. notre métabolisme, notre capacité d’absorption, nos réactions aux différentes substances, sont très différentes.
      Santé!

  4. Tellement vrai!

    J’ai passé de nombreuses études en revue et il y en a plusieurs qui m’ont parues faussées, d’une manière ou d’une autre, comme dans le cas du médicament Biphentin pour les troubles de l’attention ou le libellé « effet à long terme » correspond, dans le cadre de leur étude, à une observation de 3 semaines!

    Entre vous et moi, le mot « long terme », pour un médicament, devrait être de 2, 5 ou 10 ans… pas 3 semaines.

    Les exemples sont nombreux et Santé Canada ne fait rien pour nuire à l’industrie des produits pharmaceutiques… comme d’habitude.

  5. C’est ce que je dis à tout mon entourage … fiez vous sur moi mais vérifiez avec au moins deux autres sources…

    Le problème majeur avec les études sur les produits naturels est qu’on cherche à identifier un effet précis à partir de molécules spécifiques. La recherche scientifique n’a pas la capacité avec les moyens qu’elle utilise de faire une évaluation complète des suppléments, vitamines ou aliments.

    De toute manière, quand on comprend comment la recherche pharmaceutique fonctionne, on est en droit de s’interroger sérieusement sur ces résultats d’études qui sont publiés par les médias « grand public ». C’est souvent évident quand on prend le temps de bien lire que le biais « commanditaire » est présent. Les propriétaires des grandes entreprises de communication sont aussi très souvent actionnaires de compagnies pharmaceutiques et vice-versa.

    Le gros bon sens effectivement c’est de se questionner et de questionner.

    Merci pour ton gros bon sens Jean-Yves.

  6. Alors, on visite Franchement Santé…

    Quelle affaire ! comment s’y retrouver ? JYD est là……

    Merci et bonne fin de semaine !!!

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Pour vous, je garde un pied dans la science et l’autre dans le gros bon sens.