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Dans le monde merveilleux des cosmétiques, crèmes et autres produits topiques, les problèmes de stabilité sont contournés par l’utilisation d’agents de conservations divers. Parmi ceux-ci, il y a les parabènes, des substances qu’on retrouve aussi dans diverses boissons…

De la masse des publications scientifiques, des doutes ressortent sur l’innocuité (la sécurité) de ces agents. Eh oui, des groupes d’experts divergent d’opinions. Ainsi, un groupe d’experts publie en 2008 (1) un rapport exhaustif de 83 pages contenant à peu près toute l’information disponible sur les différents parabènes: mutagénicité, toxicité aiguë et chronique, etc. Leurs conclusions sont que la marge de sécurité est très élevée pour ces substances, seules ou en combinaison avec différents ingrédients. Ils abordent aussi une notion importante: le NOAEL (no observed adverse effect level) ou, en français, la concentration à laquelle on n’observe aucun effet adverse. Les experts avancent le chiffre de 1000 mg/kg/jour comme étant la dose sécuritaire, donc, un produit vraiment inoffensif!

Ce genre d’argumentation est très, très convaincant puisque les auteurs abordent d’une façon rigoureuse et pragmatique tous les aspects de l’innocuité et les décortiquent en fonction de la science publiée.

Certaines études font pourtant planer un doute quant à l’innocuité parfaite de ces substances. Par exemple, une autre revue de documentation arrive à des conclusions très différentes.(2) Il est vrai que cette publication est beaucoup moins volumineuse que la précédente (18 pages au lieu de 83), mais elle évoque la possibilité que les parabènes soient impliqués dans des processus de toxicité à long terme: effets œstrogéniques cumulatifs, conséquences sur la fertilité masculine, etc. On a découvert que des parabènes s’accumulent dans les tissus et que leurs métabolites (substances produites à partir des parabènes par le métabolisme humain) sont souvent des perturbateurs hormonaux encore plus puissants qui, en plus d’une activité œstrogénique, ont un effet anti-androgène! Les conclusions de ces auteurs sont beaucoup plus prudentes: l’innocuité n’est pas garantie, des doutes subsistent. Ces auteurs recommandent d’autres études pour éclaircir les zones d’ombre.

Un des aspects les plus inquiétants des parabènes est l’accumulation de ces substances dans les cellules de cancer de sein.(3) Même si on n’y voit pas d’effet causal, on doit garder un doute sur leur rôle à cause de leur capacité de s’accumuler et d’avoir un effet œstrogénique, et surtout à cause de la possibilité qu’ils puissent potentialiser un ou plusieurs autres perturbateurs endocriniens.

Un autre aspect sombre de ces molécules est leur capacité d’affecter la fertilité masculine. En effet, on constate que la fertilité masculine, à cause d’une combinaison de facteurs, est en baisse importante dans le monde occidental. Des chercheurs font un lien entre l’omniprésence des parabènes et un mécanisme d’action plausible de cette baisse de fertilité.(4)

On constate aussi que les parabènes peuvent augmenter les dommages cellulaires des rayons UVB.(5) Finalement, ces petites molécules ne montrent pas une toxicité directe suffisamment importante pour être retirées du marché, mais des doutes subsistent quant à leur innocuité dans la vraie vie.

En tant qu’utilisateurs, nous nous devons de poser certaines questions:

· Les parabènes sont-ils impliqués, oui ou non, dans certains processus perturbateurs hormonaux?

· Est-il possible que des métabolites s’accumulent dans les cellules et dépassent la concentration dite sécuritaire?

· Est-il possible que des synergies existent entre les parabènes et d’autres perturbateurs hormonaux, notamment certains filtres solaires?

· Existe-t-il des alternatives sûres?

Je crois qu’il est légitime de conserver un doute quant à l’innocuité des parabènes dans le contexte d’un environnement où des substances potentiellement toxiques abondent. Et vous?

Jean-Yves

Références:

1. Final Amended Report on the Safety Assessment of Methylparaben, Ethylparaben, Propylparaben, Isopropylparaben, Butylparaben, Isobutylparaben, and Benzylparaben as used in Cosmetic Products. International Journal of Toxicology, 27(Suppl. 4):1–82, 2008

2. Darbre PD, Harvey PW. Paraben esters: review of recent studies of endocrine toxicity, absorption, esterase and human exposure, and discussion of potential human health risks. J Appl Toxicol. 2008; 28: 561–578

3. Darbre PD, Aljarrah A, Miller WR, Coldham NG, Sauer MJ, Pope GS. Concentrations of parabens in human breast tumours. J Appl Toxicol. 2004 Jan-Feb;24(1):5-13.

4. Tavares RS, Martins FC, Oliveira PJ, Ramalho-Santos J, Peixoto FP. Parabens in male infertility-is there a mitochondrial connection? Reprod Toxicol. 2009 Jan;27(1):1-7.

5. Handa O, Kokura S, Adachi S, et al. Methylparaben potentiates UV-induced damage of skin keratinocytes. Toxicology. 2006 Oct 3;227(1-2):62-72.

10 commentaires

  1. Allo Jean-Yves,
    J’ai regardé quelques articles et Wow !
    Félicitations ! On n’entend certe pas un Pharmacien courant !
    J’apprécie aussi beaucoup les références, mais le 3 et le 5 je n’arrive pas à les retrouver en cliquant sur le lien. J’arrive sur le site, mais je n’arrive pas retrouver l’article.
    Andrée

    1. Bonjour Andrée et merci pour votre commentaire
      J’ai corrigé les liens. Ils devraient être fonctionnels.
      Merci beaucoup. Oui, je me distingue un peu des autres pharmaciens par mes recherches et mes points de vue.
      Bonne lecture
      JYD

  2. Après la lecture des 83 + 17 pages, si on n’est pas convaincu d’une certaine causalité dangereuse, qui le sera?
    Quoiqu’il en soit, y a t il des taux « acceptables » de toxicité (malheureusement vérifiés sur les animaux)?

    Si l’accumulation des parabènes m’assimile à une bête de laboratoire – je me demande qui ose encore laisser des gens s’enduire inutilement le corps de substances aussi perverses?

    Il existe pourtant des produits de soins corporels certifiés biologiques (par des organismes indépendants reconnus internationalement ). Ceux-ci nous garantissent l’absence de ces hormones déguisés qui comme vous le mentionnez s’ajoutent à celles de l’eau du robinet, lessives, savons de synthèse et de centaines d’autres sources quotidiennes connues et inconnues!

    1. Merci Alain.
      Je souligne la notion du « certifié par des organismes reconnus internationnalement ». Cette notion est primordiale. Trop souvent on constate des certifications bidons sur des étiquettes. Dans celles-ci, j’inclus le USDA organics qui est tellement relachée pour convenir aux grands corporatifs, qu’on peut y trouver n’importe quoi. Les écocert, garanti BIO, AB, Demeter, ne sont que quelques exemples.
      Les produits de qualité qui suivent une norme élevée sont très difficiles à indentifier par le consommateur. Il faut être attentif.
      surtout dans le monde des topiques / cosmétiques.
      JYD

      1. USDA est bidon et les autres citées (Écocert, Garantie BIO, AB ) par vous sont respectables si on comprend bien?
        Si on regarde le devant de flacons de tous produits de soins corporels DRUIDE on lit CERTIFIE BIOLOGIQUE par Ecocert. Donc tout est vérifié et crédible à 100% ?

        Cet organisme certifie dans 86 pays et est le seul à imposer une feuille de route sévère pour les fabricants de cosmétiques. Ainsi DRUIDE est fabriqué au Québec. C’est encore plus crédible!

        Si je comprend bien.

        1. Bonjour Alain,
          Est-ce que je note un certain parti pris 🙂
          En fait, oui, je m’assume. USDA pour moi n’est pas suffisant. Si un produit n’affiche pas un tiers indépendant comme ceux que vous mentionnez (Écocert, Garantie BIo, etc.) alors je doute du contenu. De plus, j’ai même trouvé des produits cosmétiques qui affichaient un certificateur que je ne connaissais pas. Après vérification, il n’existe pas. C’est leur propre conception. Ceci est déloyal et probablement illégal mais on comprend jusqu’où certaines compagnies iront.
          Recherchez un certificateur reconnu. C’est plus sûr.
          JYD

          1. Au sujet d’un parti pris:

            Quand quelqu’un identifie Écocert comme un certificateur crédible ce n’est pas forcément le résultat d’un parti pris mais peut-être d’une démarche cohérente.

            Je connais bien la rigueur qu »Écocert impose pour accepter l’usage de son logo. Je connais les équipes de chercheurs rigoureux qui sont derrière, accredités et surtout contrôlés eux-meme par les autorités sanitaires de 86 pays.

            Autre approche par exemple: Faire parti d ‘un ordre professionnel dont accepte les règles n’implique pas que la personne soit biaisée mais bien qu »elle a decidé d’étudier une question de façon globale et d’impliquer sa vie a l’intérieur de cette discipline reconnue.

            Une fois un choix opéré- est ce qu on peut etre chapeauté de parti-pris?

  3. Bonjour Jean-Yves,

    Je prends enfin le temps de regarder ton dernier-né. Et je tombe sur ce texte qui me dit qu’il y a des parabènes dans certaines boissons : au secours, lesquelles?

    La question des lotions solaires m’a toujours inquiétée, car je trouve que se badigeonner abondamment et souvent avec ces produits qui contiennent toutes sortes de choses est sans doute un moindre mal que les coups de soleil, mais c’est juste ça, un moindre mal.

    Longue vie à ton blog

    Françoise

    1. Merci beaucoup Françoise pour tes bon voeux
      Le problème des parabènes dans les boissons est surtout qu’ils ne sont pas sur les étiquettes. Très souvent, une boisson aux plantes médicinales qui ne demande pas de réfrigération en contiendra. À peu près toutes les boissons aux couleurs à la mode en contiennent aussi.
      Jean-Yves

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